RITUELS MAYA DANS LES GROTTES DE LA CANDELARIA

L’ethnologue Daniel Dreux a découvert une extraordinaire résurgence de rivière souterraine dans l’Alta Véra Paz, en plein coeur de la jungle guatémaltèque.

Les indiens quichés s’adonnent à des rites remontant à la nuit des temps et pratiquent les cultes mayas à l’intérieur des immenses grottes de l’Alta Véra Paz. Autour de l’entrée de Bombil Pec, un superbe effondrement karstique de prés de 140 mètres de profondeur, des tessons de poteries datant du Préclassique maya (300 AV. JC), jonchent par dizaines le sol. Pour pénétrer à l’intérieur d’une de ces grottes, il faut franchir deux chatières si étroites, que les poumons des spéléologues doivent être dégonflés pour passer en rampant dans un tunnel d’un mètre cinquante. Le jeu en vaut la chandelle, car après avoir surmonté ses angoisses claustrophobes on peut admirer de splendides pictogrammes Mayas. Délicatement peints sur les parois d’une immense salle, surplombée par une plate-forme minuscule, deux singes atèles, un coyote et une chouette, (l’animal mythique des mayas de l’Alta Véra Paz) témoignent qu’il y à eu une activité intense à l’intérieur de ces grottes, du Préclassique maya à nos jours. Il y à une vingtaine d’années, un français découvre cette région perdue de la jungle guatémaltèque. Daniel Dreux, passionné par la civilisation Maya, avait senti qu’au travers des mythes quichés, certains lieux sacrés inconnus à ce jour, pourraient se révéler aux chercheurs un tant soit peu tenaces. Une légende, très répandue dans le plateau central mexicain et dans divers groupes maya, donnait une indication intéressante sur la situation de grottes sacrées: Le maïs (encore inconnu des hommes) est caché derrière un gros rocher ou dans une montagne; entre les Montagnes Saclech, à deux jours de marche au Nord de Chamà sur la route de Salinas de los Nuevo Cerros, bien au Nord de l’ancien territoire divin des mayas. Cette localisation correspondait approximativement aux grottes de la Candélaria.

UNE RIVIÈRE SACRÉE

La petite rivière Candélaria, qui chemine sur une centaine de kilomètres à travers des sites mouvementés et sauvages, renferme des richesses géologiques et archéologiques d’une valeur extraordinaire.
Sortant de terre pour s’engouffrer à nouveau dans les entrailles des montagnes, la rivière a creusé pendant des millénaires ces immenses cavernes karstiques. En 1968, accompagné d’une équipe de spéléologues, Daniel va arpenter systématiquement la région de la Candélaria. A dos de mules, à pied, en véhicules tout-terrain, il fouille les moindres recoins de la région. En butte aux moustiques pendant la saison des pluies, traversant des jungles inextricables à grand coup de machette, il cherche inlassablement le moindre indice sur le passé des mayas dans le monde souterrain. En 1972, il apprend par un autochtone du petit village de Raxruja que les indiens pratiquent des rites ancestraux mayas dans la grotte, El Mico. Il est enfin récompensé. Après avoir franchit plusieurs murs mayas protégeant les entrées du site religieux, les indiens atteignent les lieux de cultes à la lumière de torches archaïques. Ils pénètrent dans Xilbamba, (le monde souterrain, royaume des morts et des Dieux chez les mayas) et traversent la rivière sacrée. Ils célèbrent les Dieux du passé. Incantations au Dieu de la pluie Tohil, sacrifice de la dinde cotz, l’animal sacré des Mayas.

DISPARITION D’UNE CIVILISATION

Ces rites mystérieux remontent du Préclassique, jusqu’à l’apogée de cette grande civilisation terrestre (l’an 600 de notre ère). Il faut toutefois écarter l’hypothèse d’une occupation permanente de ces grottes en tant qu’habitat, car elles sont situées dans un environnement dont l’accès et la circulation sont particulièrement difficiles. Tout concorde à penser qu’il n’était pas possible d’y vivre pendant de longs moments. D’autre part, l’espace vital prés des entrées, donc de la lumière, est souvent réduit. Toute forme d’habitation domestique n’est pas non plus envisageable dans ces zones éloignées de l’entrée où l’obscurité est souvent totale. Cependant, les plate-forme grossièrement construites que l’on rencontre prés des entrées et auxquelles étaient associés les seuls objets d’utilité domestiques trouvés dans les grottes, ont pu être occupées temporairement par des chasseurs ou par les gardiens des grottes. Ces derniers, lors de leur séjour, tiraient partie des ressources du Rio Candélaria (coquille), entre autres.
D’autre part il semble peu probable que les aménagements décrits aient été réalisés à des fins défensives. En effet, si tel en avait été le cas, les grottes auraient servi de refuge à la population locale pendant des périodes assez longues en cas de guerre. De ces occupations temporaires on aurait nécessairement retrouvé des traces. On peut donc conclure qu’elles ont été utilisées principalement à des fins rituelles, car les aménagements paraissent conçus pour accentuer l’inaccessibilité et la réclusion de ces lieux souterrains et leur donner ainsi un caractère sacré.

Reportage Christian VOULGAROPOULOS